lundi 1 décembre 2008

Bobby

Réunissant une flopée de stars confimées ou en devenir, Bobby imagine la vie d'une vingtaine de personnages dont le point commun sera d'être présents à l'Hôtel Ambassador lors de l'assassinat du sénateur Robert Kennedy en juin 1968. L'histoire s'étend sur quelques heures et les destins croisés se situent presque tous sur les lieux du crime : l'hôtel lui-même. Passant des cuisines au luxueux hall d'accueil, du militant de base à l'invité de prestige, de la coiffeuse à la standardiste, du retraité qui perd la tête au futurs mariés, le film brosse une série de portraits censés illustrer au mieux une époque où droits civiques, drogues, Vietnam et militantisme sont à l'ordre du jour.

Même si le procédé du film choral est aujourd'hui moins novateur et surprenant, ce type de construction éclatée impressionne toujours par sa capacité à gérer plusieurs histoires en parallèle. Par son côté "zapping", il permet aussi de palier les problèmes de rythme posés par une construction linéaire classique. L'exercice se prête bien également à l'utilisation de stars venues là faire un petit tour, parfois dans des rôles inhabituels, une manière de prendre quelques risques à moindres frais. Lorsque les auteurs sont assez inspirés pour ne pas se limiter à l'effet formel, cela donne des films magnifiques et envoûtants tels Magnolia ou Collision. Mais Emilio Estevez n'est pas Paul Thomas Anderson ni Paul Haggis et même s'il montre une belle aisance pour ce premier film, son Bobby glisse souvent vers un hors sujet quelque peu superficiel et mélodramatique.

Si le titre pouvait en effet laisser présager un propos politique assez soutenu, le scénario s'égare vite vers des histoires personnelles sentimentales qui ne présentent que peu d'intérêt. Du coup le scénario morcelé renforce une impression de feuilleton télévisé en passant ainsi d'une saynète à l' autre, où l'on apprend que Paul trompe Miriam avec Angela et que Virginia a des problèmes avec l'alcool et son mari.
Une scène permet de donner un aperçu de ce qu'aurait pu (dû ?) être le film : celle où le chef cuisinier de l'hôtel interprété par l'excellent Laurence Fishburne explique à un de ses commis révolté comment il préfère laisser aux Blancs l'impression qu'ils sont à l'origine des évolutions de la société de l'époque pourvu que le résultat soit là. C'est fort, très bien écrit, intelligent et pile dans le sujet. Dommage que le reste ne soit pas de ce niveau.

Comme s'il s'apercevait in extremis de ses égarements, Emilio Estevez revient à son sujet en ponctuant le film de documents d'archives montrant la campagne du sénateur à travers le pays. Ces intermèdes sont autant de remises sur rails de ce qui semblait être son intention première : rendre hommage à l'idéal pacifique et généreux incarné par Robert Kennedy. Si les discours sont en effet émouvants et forts bien écrits (en particulier celui qui clôt le film), on peut aujourd'hui trouver naïve cette présentation simpliste et angélique - pour ne pas dire christique - des Kennedy. On sait que la réalité des personnages était assez éloignée du mythe et des espoirs qu'ils ont suscités. Or le film ne prend jamais aucune distance et ne présente que l'image officielle qui paraît bien datée en 2007.

On suit malgré tout sans ennui les pérégrinations de ces personnages très divers en guettant avec gourmandise l'apparition de la prochaine star. Tout ce petit monde est d'ailleurs impeccable et permet de passer un bon moment. Même Sharon Stone joue sobre et juste un rôle pourtant un tantinet appuyé dans le registre "je casse mon image". Anthony Hopkins passe d'un fauteuil à un autre, Elijah Wood ouvre ses grands yeux, William H. Macy reprend son personnage de faible/fort, Helen Hunt et Martin Sheen forment un couple parfois émouvant. Outre un impressionnant Laurence Fishburne déjà évoqué, se distinguent un Shia LaBeouf décidément très doué et une Demi Moore en épave de luxe qui montre à quel point les rôles sombres lui vont à merveille.
Au final un premier film honorable bien qu'inégal, qui se perd un peu en route, mais qui parvient dans sa dernière ligne droite à joliment monter en intensité.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah ben moi j'avais vachement bien aimé, tiens... Évidemment j'ai les mêmes réserves que toi concernant la déification de Bobby, mais en même temps je trouve ça intéressant, sociologiquement parlant, ce besoin qu'ont les américains d'une figure christique, besoin vérifié ces derniers jours...
Comme "Magnolia" est un peu le type d'exercice-branlette de gros malin qui me gonfle au plus haut point, je préfère la réalisation discrète d'Estevez, plus douce et qui évite de trop se montrer ; ça n'empêche pas de laisser une impression de minutie et de rigueur assez remarquable. Mais c'est vrai que le plus fort ce sont les images d'archives, qui ont une puissance assez incroyable, sans que j'arrive à saisir trop pourquoi : impression que Kennedy débarque d'outre-tombe pour s'adresse à W, peut-être. Étrange.
Bon, il y aurait beaucoup à redire sur l'exagération du message "de gauche" (après tout, il ne s'agit que de primaires - et puis, le fait qu'après tous ces beaux discours le tueur apparaisse comme un agent de la réaction alors que sa cause n'a rien à voir est assez gênant), et puis comme dans tout film choral certaines histoires sont d'un intérêt assez faible (avec le coup 70s obligé de la séquence-LSD...), mais d'autres sont d'une grande puissance : celle avec Larry Fishburne dont tu causes, et puis aussi celle avec Elijah Wood, le genre de scène qui replace la politique dans la sphère privée et qui rappelle que derrière les grands discours il arrive qu'il y ait un impact fort sur la vie des citoyens, et juste rappeler et illustrer ça clairement, de temps en temps c'est pas mal.

RobbyMovies a dit…

Hé Scritch !
Je suis d'accord (sauf la comparaison avec Magnolia, faut pas pousser héhé) mais le problème est que tu mets de côté ce qui tient le plus de place dans le film : les histoires sentimentales. Sur le coup j'ai fonctionné mais ensuite je me suis dit qu'il dérivait complètement. Ca tourne presque au vaudeville parfois... Quel rapport avec le thème, l'époque ou quoi ? C'est cette légèreté là qui m'a le plus ennuyé en fait.
Robby