Après la vertigineuse dégringolade qualitative des deux derniers chapitres parfumés à la guimauve et pilonnés par un David Yates incapable de livrer autre chose que de longs bout à bouts poussifs et sans âme, cette première partie des Reliques de la Mort relève de la bonne surprise. On ne s'y ennuie pas à mourir comme dans L'Ordre du Phoenix et surtout Le Prince de Sang-mêlé : sur 2h20 c'est déjà un gros progrès. Plus surprenant encore, David Yates livre une réalisation soignée, presque inspirée (!) qui parvient, pour la première fois, à contrebalancer les faiblesses du récit.
Car en dépit des apparences - et de la promo -, tout ceci demeure toujours très léger, en particulier dans la manière d'enchaîner les événements à coup d'illuminations subites, de visions commodes et de hasard capillotracté. Un récit où la magie permet à peu près tout mais où il faut courir dans les bois quand on est poursuivi et plonger dans l'eau glacée pour aller chercher un truc. Tant qu'il s'agissait d'une intrigue trépidante et d'un spectacle flamboyant, ces facilités relevaient d'une naïveté bonne enfant. Mais dès lors que l'on prétend au "sérieux" via une darkitude ici (très) appuyée et quelques thèmes dits "adultes" afin d'y gagner en crédibilité, cette paresse devient difficilement pardonnable. D'aucun y trouveront un souci de mélanger les genres ; j'y vois plutôt un cruel manque de rigueur et d'inspiration.
C'est d'autant plus regrettable que quelques belles idées de fond et de forme enrichissent ces Reliques : la prise de pouvoir des méchants sorciers est l'occasion de traiter de l'obsession de la pureté raciale et de la haine du métissage. C'est plutôt habilement tourné et surtout inattendu dans un univers de Fantasy d'ordinaire très friand de "sang pur" et de lignées royales. Le thème était déjà présent au début de la saga mais J.K. Rowling va ici un peu plus loin, entretenant ainsi l'une des singularités de son univers qui utilise une structure classique sans tomber dans les idéologies moisies chères à une certaine littérature jeunesse. Autre idée judicieuse : abandonner la consternante "évolution" soap qui rendait le précédent film indigeste jusqu'au ridicule. Cette fois les sentiments sont présents comme ils l'étaient dans La Coupe de Feu : à dose raisonnable. OUF !
Sur la forme, outre une introduction pleine de souffle qui rappelle les meilleures heures de la série et une surprenante séquence animée de toute beauté, David Yates adapte enfin sa mise en scène au propos. Sans réussir vraiment à provoquer l'émotion quand il le faudrait – ça semble décidément au-dessus de ses forces – il parvient tout de même à créer de véritables ambiances, un climat qui imprègnent peu à peu le spectateur. Une très belle direction artistique homogène et joliment cadrée, enluminée avec talent par Eduardo Serra et accompagnée par la musique d'Alexandre Desplat donne à l'ensemble une belle cohérence formelle qui compense les aspects quelque peu heurtés et pas toujours très clairs de l'intrigue pour qui n'a pas le livre sur les genoux durant la projection.
Et même si la main est lourde pour tenter d'altérer à coup de cernes la bonne mine du jeune trio de comédiens, même si la plus grande partie du film se résume à une randonnée un tantinet répétitive - qui a le mérite de nous sortir du sempiternel décor gothique de Hogwarts -, le tout n'est décidément pas sans charme ni intérêt. Certes, l'on n'atteint pas l'alchimie bien balancée et évolutive des opus ouvrants la saga, mais cette première partie du chapitre final retrouve une certaine dignité et surtout donne envie de découvrir la suite : on n'en espérait pas tant ! David Yates parviendra-t-il à ajouter l'énergie et l'émotion aux louables efforts produits ici ? Une chose est sûre : avec l'ultime volet, on ne pourra pas nous refaire le coup de "l'épisode de transition" pour justifier les errances des auteurs.
mercredi 20 avril 2011
samedi 2 avril 2011
La Disparition d'Alice Creed
Ça vous fait envie le premier film du scénariste de The Descent 2, tourné en vidéo HD avec un budget famélique ? Non ? Vous avez tort car cette Disparition est un petit bijou de cinéma de genre, méticuleusement réalisé sur une intrigue qui manie le rebondissement avec une réjouissante efficacité. Le tout avec seulement 3 personnages et un appartement (ou presque), on a envie de se lever pour applaudir ce petit-cousin teigneux du Limier ou de Piège Mortel.
Par égard pour le futur spectateur, il est préférable d'éviter l'évocation trop précise de cette histoire qui fonctionne beaucoup sur l'effet de surprise. Tout juste peut-on exposer le point de départ : 2 voyous préparent l'enlèvement de la fille d'un homme richissime afin d'obtenir une rançon. Ils mettent en œuvre un plan millimétré à mi-chemin entre l'expédition scientifique et le commando militaire : tout est prévu même le menu des repas, chaque geste est déterminé à l'avance, chaque étape s'imbrique à la perfection dans la suivante. Et puis évidemment l'imprévu surgit. Quoique…
Outre son scénario malin et jubilatoire, J. Blackeson signe là un premier film d'une remarquable maturité formelle : pas de place ici pour les grosses ficelles du cinéma fauché où l'on fait paresseusement trembler la caméra "pour faire vrai". Avec la même minutie qu'à l'écriture, le jeune cinéaste soigne chaque plan sans jamais sombrer dans une virtuosité affectée : tout y est limpide, fluide et parfaitement à sa place. Même la longue introduction muette évite l'effet gratuit tant elle est parfaitement en adéquation avec ce qui s'y déroule. La lumière suit la même logique : à la fois pure et discrète, elle enveloppe au mieux une image vidéo qui sait se faire oublier grâce notamment au superbe cadre en 2:35.
Avec un trio de comédiens qui fait figure de cerise sur un gâteau décidément savoureux, Blackeson montre qu'il est aussi un excellent directeur d'acteurs. Eddie Marsan campe un kidnappeur flippant par son obsession glaciale du moindre détail. On a peine à reconnaître le petit inspecteur Lestrade du Sherlock Holmes de Guy Ritchie.
En parvenant à insuffler une énergie folle à un personnage de victime pour le moins ingrat, Gemma Arterton montre qu'elle vaut infiniment mieux que les emplois ineptes auxquels elle est abonnée (Quantum of Solace, Le Choc des Titans, Prince of Persia, bientôt La Momie 4 !). Dans un rôle moins expressif, Martin Compston peine parfois à rivaliser avec ses partenaires, mais peu importe : l'alchimie fonctionne à plein et le trio promène impeccablement le spectateur du début à la fin.
Le magazine Variety classe en 2010 J. Blackeson parmi les 10 réalisateurs à suivre. En effet, après ce coup d'essai en forme de thriller économe et roboratif qui ne joue jamais la carte du clin d'œil référentiel ou du pré-formatage "culte", on attend avec une certaine gourmandise la prochaine œuvre de ce jeune auteur britannique dont l'irruption inattendue n'est pas sans rappeler celle de Danny Boyle. On lui souhaite le même succès.
Par égard pour le futur spectateur, il est préférable d'éviter l'évocation trop précise de cette histoire qui fonctionne beaucoup sur l'effet de surprise. Tout juste peut-on exposer le point de départ : 2 voyous préparent l'enlèvement de la fille d'un homme richissime afin d'obtenir une rançon. Ils mettent en œuvre un plan millimétré à mi-chemin entre l'expédition scientifique et le commando militaire : tout est prévu même le menu des repas, chaque geste est déterminé à l'avance, chaque étape s'imbrique à la perfection dans la suivante. Et puis évidemment l'imprévu surgit. Quoique…
Outre son scénario malin et jubilatoire, J. Blackeson signe là un premier film d'une remarquable maturité formelle : pas de place ici pour les grosses ficelles du cinéma fauché où l'on fait paresseusement trembler la caméra "pour faire vrai". Avec la même minutie qu'à l'écriture, le jeune cinéaste soigne chaque plan sans jamais sombrer dans une virtuosité affectée : tout y est limpide, fluide et parfaitement à sa place. Même la longue introduction muette évite l'effet gratuit tant elle est parfaitement en adéquation avec ce qui s'y déroule. La lumière suit la même logique : à la fois pure et discrète, elle enveloppe au mieux une image vidéo qui sait se faire oublier grâce notamment au superbe cadre en 2:35.
Avec un trio de comédiens qui fait figure de cerise sur un gâteau décidément savoureux, Blackeson montre qu'il est aussi un excellent directeur d'acteurs. Eddie Marsan campe un kidnappeur flippant par son obsession glaciale du moindre détail. On a peine à reconnaître le petit inspecteur Lestrade du Sherlock Holmes de Guy Ritchie.
En parvenant à insuffler une énergie folle à un personnage de victime pour le moins ingrat, Gemma Arterton montre qu'elle vaut infiniment mieux que les emplois ineptes auxquels elle est abonnée (Quantum of Solace, Le Choc des Titans, Prince of Persia, bientôt La Momie 4 !). Dans un rôle moins expressif, Martin Compston peine parfois à rivaliser avec ses partenaires, mais peu importe : l'alchimie fonctionne à plein et le trio promène impeccablement le spectateur du début à la fin.
Le magazine Variety classe en 2010 J. Blackeson parmi les 10 réalisateurs à suivre. En effet, après ce coup d'essai en forme de thriller économe et roboratif qui ne joue jamais la carte du clin d'œil référentiel ou du pré-formatage "culte", on attend avec une certaine gourmandise la prochaine œuvre de ce jeune auteur britannique dont l'irruption inattendue n'est pas sans rappeler celle de Danny Boyle. On lui souhaite le même succès.
Libellés :
Tchitchaaa
Inscription à :
Articles (Atom)