samedi 14 novembre 2009

Walkyrie

Après son décevant Superman Returns, Bryan Singer a choisi l'électrochoc pour se remettre en selle. A l'opposé des pimpantes - et poussives - aventures surproduites de l’homme en collant bleu, c'est un drame historique que le cinéaste décide de porter à l'écran : le dernier attentat manqué contre Hitler en juillet 1944. Film anachronique dans un cinéma américain inlassablement friand de réussite édifiante en particulier lorsqu’il s'agit de raconter l'aventure d'un homme contre un système, ce récit d'un effroyable échec est déjà en soi presque un événement.

La filmographie de Bryan Singer montre qu’il aime changer de registre et qu'il le fait plutôt bien. Cinéaste grand public dans le sens noble du terme, Singer aime les scénarios précis et les intrigues complexes qui donnent libre court à son goût de l'exploration des sentiments ambigus au-delà des apparences, de l'âge et de l'époque. A l'image d'Usual Suspects qui par nature n'est pas ce qu'il semble être, un film de Singer se situe toujours au-delà de son pitch, comme l’on dit aujourd'hui. Un Elève Doué est bien autre chose que le débusquage d'un ex nazi par un teenager, les X-men davantage qu'une pétaradante aventure de super-héros. Walkyrie n'est pas seulement le récit d’un attentat manqué, fut-il célèbre, mais bien l’observation rigoureuse d’hommes qui tentent de changer le cours de l’Histoire.

Magnifiquement réalisé avec la sobriété d’un cinéaste doué et inventif qui n’éprouve jamais le besoin d’en mettre plein la vue, Walkyrie semble espionner ces hommes aux motivations diverses en filmant souvent par-dessus leur épaule. Mettant en valeur les aspects les plus risqués, improvisés, les doutes et les engagements de chacun, le film montre combien toute entreprise de ce genre est loin d'une superbe mécanique bien huilée. L’issue cruelle de l’opération et ses conséquences tragiques - 200 exécutions ! - en soulignent davantage encore les aspects aléatoires.

Au-delà du courage évident d’une grande partie des acteurs du complot, Singer insiste également sur l’opportunisme de bien des protagonistes. D’ailleurs, la date tardive de cette opération Walkyrie jette déjà le trouble sur les véritables arrière-pensées de certains putschistes. Car il s’agit bien d’un IIIème Reich en perdition. Que pensaient donc tous ces officiers lors de l’accession d’Hitler au pouvoir ? On ne le saura jamais et c’est dommage même si ce n’était pas le propos du film qui s’attache à couvrir une très courte période.

Comme toujours avec Singer, la distribution est d’une grande qualité et l’interprétation impeccable. L’homme qui fit de Kevin Spacey, Ian McKellen et Hugh Jackman des acteurs de premier plan choisit toujours ses comédiens avec un soin tout particulier. Pourtant, cette fois il commet une erreur en confiant le rôle principal à Tom Cruise. Non pas que le comédien y soit mauvais, bien au contraire : ne jouant jamais la star, évitant tout numéro appuyé, Cruise a rarement été aussi sobre. Non, ici l’acteur est d’abord victime de son statut de superstar. On peine à oublier son physique de jeune premier made in USA sous son costume nazi. C’est quelque part un peu injuste, d’autant que sans sa présence ultra bankable, nulle doute que le film n’aurait jamais vu le jour.

Décalée, tout en retenue jusqu’à une certaine froideur, à la fois film d’espionnage, thriller et drame historique documenté, Walkyrie est une œuvre étrange, imparfaite certes, mais qui force le respect par son thème singulier et le soin apporté à sa réalisation.

5 commentaires:

Benoît a dit…

Assez d'accord avec vous même si le film aurait collé encore plus si certains des nazis avaient été des acteurs allemands. Pour moi, ce fut un agréable moment, un petit film sympathique et qui mérite qu'on s'y attarde une fois.

Stéphane Burlot a dit…

Je ne l'ai pas encore vu mais du coup je crois qu'il va rejoindre ma collection films de nazi ;)
J'avais effectivement un peu peur d'un Cruise, superstar, super héros, ça me gonflait d'avance... mais s'il est sobre et pas particulièrement mis en avance ça peut le faire.
Et encore bravo pour une chronique étayée qui donne envie.

RobbyMovies a dit…

>Benoit : je ne partage pas le terme "petit" pour tout dire. ;)


> Stef : Cruise est le perso principal hein, je dis juste qu'il est sobre côté jeu.
Mais il est vrai que je n'ai pas d'aversion pour l'acteur lorsqu'il est entre les mains de réalisateurs qui le maîtrisent. Cruise est mauvais quand il est en liberté dans des prods frimes type Mission Impossible II.

T'attend pas à voir "La Chute" 2 hein ^^

Stéphane Burlot a dit…

Non pas La Chute, je m'en doute, c'est Hollywood tout de même ;)

(d'ailleurs qualité des images en DVD est assez médiocre pour ce film... on s'en aperçoit sur un bon écran. Je me demande si la retranscription a été amélioré avec le blu ray)

RobbyMovies a dit…

Pas vraiment Hollywood tel qu'on l'entend habituellement.
D'ailleurs c'est une coproduction allemande, tournée à Berlin. Non sans difficultés d'ailleurs, car les autorités ont interdit de tourner dans pas mal d'endroits.