lundi 14 décembre 2009

Le Dernier Vendredi 13 de la St Valentin sur la Gauche

Les slashers c'est comme les fraises ou la grippe, ça revient par vagues. Environ une par décennie, le temps qu'une nouvelle génération de teenagers arrive sur le marché du pop-corn et de la capote. Sous-genre ultra codifié jonglant allègrement avec les hormones, l’ultra-violence, les croquemitaines et les grands ciseaux qui coupent tout ce qui dépasse, son étude, rien que sous l’angle psychanalytique, nous mènerait en moins de deux à une somme de 1000 pages. Rassurez-vous : un historique aussi bref que subjectif et nous parlerons des trois remakes emblématiques du genre sortis sur les écrans en 2009 : La Dernière Maison sur la Gauche, Meurtres à la St Valentin et Vendredi 13.

Des premières déferlantes des années 70 et 80 émergent deux œuvres maîtresses : Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper (1974) et dans une moindre mesure Maniac de William Lustig (1980). Deux films percutants, à la personnalité forte mais qui semblent pourtant relever du coup de bol tant la carrière ultérieure des deux réalisateurs est calamiteuse. J'y reviendrai avec des chroniques dédiées.
Il convient d’ajouter Halloween de John Carpenter (1978) qui, à défaut d’être passionnant, peut se targuer, comme le Hooper, d’être un véritable film de cinéma face à une cohorte de métrages souvent minables, écrits sur un coin de table et initiés par des producteurs au rabais qui n’en finissent plus de dupliquer la recette à peu de frais (Vendredi 13, The prowler, Happy Birthday, Sleepaway Camp, Carnage...).

Après une longue pause, le slasher fait un premier come back en 1996 via Scream de Wes Craven qui se limite déjà à singer la vague précédente tout en prétendant lui rendre hommage : vieille ficelle du cinéaste à bout de souffle qui se planque derrière le clin d’œil au spectateur. Mais le succès est là, sifflant le coup d’envoi d'une nouvelle escadrille de tueurs parmi lesquels remakes et suites sont déjà bien présents (Halloween 20 Après, Souviens- toi l'Ete Dernier, Urban Legend...). Mieux produite que les originaux mais stupidement aseptisée côté gore - un peu comme si on virait les chevaux d'un western quoi – cette nouvelle génération s’essoufflera plus vite que les précédentes. Tant mieux.

Le retour d’un gore nettement plus démonstratif durant les années 2000 est l’occasion pour Hollywood de s’engouffrer à nouveau dans la brèche. Mais désormais les producteurs renoncent à rechercher une quelconque originalité pour un genre aussi limité et se bornent à puiser dans le patrimoine en refilmant méthodiquement deux décennies de "classiques". La démarche ne présente que des avantages : reformater de vieilles recettes rentables destinées aux nouveaux spectateurs tout en flattant la nostalgie des anciens. Et ça marche : le slasher fait cette année un retour triomphant au box office.

À tout saigneur (haha) tout honneur, commençons par l'increvable tueur de Vendredi 13, Jason himself, héros d’une bonne dizaine de longs métrages. Produit par Michael Bay et réalisé par Marcus Nispel qui avaient déjà commis ensemble un remake aseptisé de Massacre à la Tronçonneuse, ce "reboot" se révèle être une redoutable mascarade qui parvient presque à surpasser la nullité les films originaux. Car si la version indigente de 1980 s'endormait sur une intrigue cachectique filmée à la torche, cette nouvelle resucée y ajoute des sommets de bêtise et de vulgarité, nous rappelant ainsi à chaque instant que c’est bien Michael Bay qui mène le bal. Malgré la tentative de compiler plusieurs films de la série pour densifier - en vain - l'intrigue, ce nouveau Vendredi 13 foire à peu près tous ses effets, qu'ils soient spéciaux ou non. Prodigieusement ennuyeux et débile, mal construit, jamais spectaculaire, le film parvient même à rendre Jason inexistant. Chapeau les mecs.

Meurtres à la St Valentin est déjà nettement plus intéressant. Prenant un tantinet le contre-pied en utilisant le cadre pas très yuppie d'une sombre bourgade minière en perdition, le film de Patrick Lussier fonctionne plutôt bien. Malgré la présence de pimpantes vedettes de la télévision pour cibler le public ado, My Bloody Valentine tente de minimiser les tartes à la crème libidineuses où Ken et Barbie se tripotent entre 2 coups de hache. Ici la météo grisouille et le chômage sévit, on a le cheveux gras et le moral en berne. L'intrigue se permet même un sympathique whodunit préservant jusqu'au bout le mystère de l'identité du tueur. Même si c'est au prix de quelques acrobaties du scénario, la sauce, plus consistante que d'ordinaire, prend plutôt bien. D’autant que le gimmick du relief donne à l'ensemble un joyeux goût de fête foraine et de train fantôme.

La Dernière Maison sur la Gauche version 2009 est incontestablement le plus aboutis d’un point de vue formel. C'est aussi le plus crapoteux sur le fond. Pas tant par ce que l'on y voit, mais bien par ce qu'il révèle de ses auteurs.
Là où les autres slashers s'en tiennent à des divertissements effrayants qui flirtent avec l'attraction de foire, cette Maison sur la Gauche n’est pas sans rappeler l'esprit des sous-produits à asticots, ces films de cannibales où il s'agit de produire le plus beau tas de merde racoleur tout en jurant, la main sur le coeur, qu'il s'agit d'un propos d'auteur qui "interroge" le spectateur.
En jouant ainsi le double jeu de la violence à velléité sociologique et du voyeurisme égrillard qui ne s'assume pas, le film se révèle d’une insupportable tartufferie. L’éprouvante scène de viol qui domine le film pourrait éventuellement "interroger" si toutefois les auteurs ne s’attachaient pas auparavant à filmer complaisamment et en détail les effeuillages de la toute jeune actrice. Du coup, on peut légitimement se demander quels sont leurs véritables motifs. Ou pas.
Bref, tout ça finit par produire un sentiment désagréable qui n’a rien à voir avec la qualité d’un scénario ou d’une mise en scène. Et les "bons vieux" messages moisis d’autodéfense ou de victimes payant par la torture la désobéissance à leurs parents ne font qu’alourdir davantage cette production à la fois déplaisante et sans intérêt, où des agresseurs bidons trimballent leurs tronches de soap opera sur un scénario qui ne surprend jamais.

Comme on le voit, le ripolinage en cours ne donne pas pour l’instant de résultats bien convaincants ni ne révèle de nouveaux cinéastes comme ce fut le cas pour le film de zombies/contaminés. Malgré des budgets confortables, les slashers revisités finissent par s’embourber inexorablement dans les mêmes ornières qu’autrefois, comme prisonniers d’une boucle sans fin qui les ramène au point de départ. Tout au moins outre-atlantique. Car en Europe Eden Lake ou même notre Haute Tension national étaient parvenus à donner quelques couleurs à un genre sévèrement sclérosé. En attendant la prochaine vague, le prochain coup de bol ?

7 commentaires:

Kether a dit…

Manque le cas un peu particulier des Freddy, non ? Slasher onirique également relifté à la sauce moderne.

RobbyMovies a dit…

Comme tu dis, c'est un cas particulier, je pense que c'est un peu trop fantastique pour n'être qu'un slasher...
Mais le débat est ouvert ^^

Benoît a dit…

Genre que je n'apprécie pas particulièrement, je n'ai vu aucun des trois films dont tu parles. :)

Scritch a dit…

Un film avec Mathilda May à poil 1h30 non-stop, je trouve pas ça du tout une suite de carrière calamiteuse !
(blague à part, je trouve que c'est un vrai beau film, et le 2ème "Massacre" m'a bien plus aussi, même si on est clairement plus dans la grosse blague grasse - par le co-scénariste de Paris, Texas, rien que ça...)

RobbyMovies a dit…

De mon côté j'aime énormément Poltergeist (mais est-ce du Hooper ?) et même le dernier quart d'heure du Crocodile de la Mort... Cela dit je ne l'ai pas revu depuis hmmm 30 ans, et ça c'est déjà pas bon signe... ^^

scritch again a dit…

A part ça, je suis assez dubitatif devant le fait qu'on en soit a remaker "Meurtres à la St Valentin", film sympatoche mais à la réputation limitée au cercle des gros fans de slashers : je vois pas où est la "force d'appel" sur un tel titre, sans prestige particulier auprès du grand public... Pas mal de films récents sont des remakes d'œuvres totalement oubliées, et sont souvent sans rapport avec l'original, j'ai du mal à saisir le pourquoi du truc.

RobbyMovies a dit…

A mon avis c'est simple : le film existe tout simplement. C'est mieux qu'un scénario ou même un story board. Toute la prod sait où elle va, et par conséquent elle minimise les risques.
Accessoirement, il a dû faire aussi ses preuves au box office.