dimanche 24 janvier 2010

Doute

Meryl Streep vs. Philip Seymour Hoffman sous la direction de John Patrick Shanley qui adapte ici sa propre pièce de théâtre récompensée par le Pullizer 2005, c’est peu de dire que le programme est alléchant. Mais comme en cuisine, la qualité des ingrédients ne garantit pas toujours la réussite du plat.

Certes, le sujet n'est pas des plus faciles : un prêtre charismatique et généreux est accusé de soutenir d'un peu trop près un élève soumis aux brimades de ses "camarades" de classe. Nous sommes dans le Bronx des années 60 et le gamin en question est le premier Noir à intégrer cette école catholique dirigée d’une main de fer par Sœur Aloysius intimement persuadée de la culpabilité du bon Père Flynn.
Plusieurs thèmes sont ici étroitement liés : l’aspect social lié au cas particulier de l'écolier, la rivalité personnelle entre le prêtre progressiste apprécié de tous et la religieuse traditionnelle qui n'inspire que la terreur, le soupçon d’abus sexuel, la rumeur et bien sûr le doute.

Afin de justifier son titre, l’auteur prend soin de brouiller les pistes : aucun véritable indice n’est donné au spectateur, le père Flynn est des plus sympathique et Sœur Aloysius se révèle moins monolithique et paranoïaque qu’on ne le supposait au premier abord. Surtout, il introduit un élément très audacieux, déstabilisant même, qui produit au passage la meilleure scène du film entre la directrice et la bouleversante mère de l’enfant magistralement interprétée par Viola Davis.

Mais à force d'utiliser des pincettes pour éviter de verser dans le scabreux, John Patrick Shanley finit par ressembler à son personnage principal, cette vieille religieuse rigide et coincée. Le film aurait dû être âpre, dur, mais il n’est que raide et pour tout dire, un peu fade. L’ensemble manque de punch, les répliques de mordant et des thèmes pourtant d’une grande force s’étiolent dans un académisme convenu. Même Meryl Streep n’est pas toujours dans le ton du personnage en tentant d’introduire quelques fêlures dans le terrifiant corset de son personnage.

Reste un Philip Seymour Hoffmann impérial qui, à lui seul, insuffle toute la puissance, la finesse et l’émotion qui manquent souvent à l’ensemble.

mardi 5 janvier 2010

Là-Haut

Pixar fête là son dixième long métrage et de quelle manière ! Après un Ratatouille fade et ennuyeux puis un Wall-E très surestimé, voici donc le retour de l’équipe de John Lassiter au meilleur de sa forme. En réunissant le réalisateur de Monstres et Cie et le scénariste du Monde de Nemo, c’est le cœur même de Pixar qui est à l’œuvre.

Bien qu’un peu circonspect vis-à-vis du graphisme, je dois reconnaître que la maîtrise du scénario, du rythme mais aussi du parti pris qui fait de Là-Haut un film véritablement tout public, c'est-à-dire bien au-delà de la cible enfantine, m'ont enthousiasmé. Chacun y trouvera son compte, de 7 à 77 ans comme l’on dit. À ce titre, la longue introduction relève de la perfection par sa manière à la fois elliptique et poignante de raconter toute une vie. Certes, c’est parfois idéalisé à la manière d’un Disney, mais avec tact et délicatesse. La musique de Michael Giacchino contribue à rendre cette première partie saisissante de maturité.

Une quête au long cours entraîne ensuite les deux personnages principaux dans une expédition qui tient à la fois du parcours initiatique, du steampunk et du film de jungle ; ce voyage en forme de conte relève d’une élégance tonique qui n’est pas sans rappeler l’univers poétique de Terry Gilliam. Le foisonnement esthétique et l'action pure côtoient un épatant comique de situation qui jamais ne tombe dans la grosse comédie : on rit aussi, mais pas seulement. Et puis cette mise en scène résolument cinématographique, inventive... Quel bonheur !

Évidemment ça suinte un peu la sucrerie sur la fin, avec cette morale fatigante qui autorise à une promesse faite à un enfant de prendre le pas sur toute autre considération, quitte même à trahir celle d’une vie faite à sa propre femme, quitte même à en mourir. Tout ça pour sauver une grosse poule, nouveau jouet d’un moutard vaguement capricieux.

Quant à l’autre ficelle puritaine qui voit la disparition des biens matériels comme négligeable, souhaitons que les millions d’américains qui ont récemment perdu leur toit n’entendent pas le héros lancer "ce n’est qu’une maison" en voyant sa si chère demeure sombrer à jamais.