lundi 25 mai 2009

Star Trek

11eme film de la saga spatiale la plus longue de l’histoire du cinéma et de la télévision, Star Trek ne se voit pas cette fois affublé d’un sous-titre à base de "frontière", "résurrection", "génération" ou autre éternel retour. Non, car ici on remet les compteurs à zéro pour coller un bon coup de jeune à l’univers imaginé par Gene Roddenberry en 1966. Vous me direz qu’il était temps. Il est vrai qu' à l’image de ses acteurs, la franchise cinéma n’en finissait pas de s’essouffler. Les méchantes langues diront même qu’elle était déjà à bout de souffle dès le premier film. De fait, la plupart des films sont assez poussifs, certains sont même navrants. Mais le space opera étant un genre bien rare au cinéma, la série avait su peu à peu me séduire, presque par dépit et malgré ses innombrables faiblesses. J’attendais donc ce ripolinage avec une curiosité certaine. Allait-on avoir droit enfin à un véritable film de cinéma et non plus seulement à une paresseuse et bavarde transposition des codes télévisuels sur grand écran ?

Dès le spectaculaire et percutant prologue magnifiquement enluminé par ILM et digne d'un Star Wars le ton est donné : exit les acteurs boudinés mollement accrochés à la console pour figurer un vaisseau dans la tourmente. En maîtrisant un sens du rythme jubilatoire qui révolutionne une série qui carburait jusqu'alors au ralenti, le film trouve là son meilleur atout. Non pas en rendant le montage vainement hystérique mais bien grâce à l'équilibre, sur plus de deux heures, entre l'aventure spectaculaire et les scènes dites "psychologiques", l'humour bon enfant et le mélo. Jonglant astucieusement avec les références trekkies sans nuire au spectateur novice, le film de J.J. Abrams sait même s'amuser du thème sans jamais tomber dans la parodie - le running gag du médecin et son injecteur en est sans doute le meilleur exemple.

Soutenu par une petite troupe de jeunes comédiens fort bien choisis que dominent largement les nouveaux Kirk, Spock et Tchekov, le film sait éviter les excès du jeunisme trendy que je redoutais tant : bien que parfaitement inutiles, les inévitables tracas sentimentaux sont abordés à la bonne mesure, les brushings restent discrets et, hors d’une très courte intro, pas trace de gamin ciblé vers le plus jeune public. Résumons : tout ce qui a trait à l'univers trekkien revisité, ses nouveaux personnages, leurs péripéties vertigineuses ou minuscules, est épatant.

Seulement voilà, trop concentrés sur cette délicate succession, les auteurs ont négligé l'intrigue de fond : J.J. Abrams rate le coche du scénario palpitant pour ne livrer qu'une confuse histoire de vengeance temporelle qui peine à créer une menace quelconque. Il échoue même à imposer un véritable Méchant d'envergure qui n'est ici qu'une icône outrée et creuse. Malgré la présence d'un Eric Bana qui n'a malheureusement rien à faire ou dire de bien passionnant, on finit vite par se moquer de ses motivations alambiquées pour attendre avec impatience le retour à l'écran de nos héros new-look. On regrette l’absence d’une bonne idée comme celle du V'Ger (Star Trek I) ou l’astucieuse transposition de la fin de la Guerre Froide qui fait du sixième film de la franchise le seul encore regardable aujourd’hui. Au lieu de quoi les auteurs s’obstinent à réinjecter de force des liens avec la série originale qui les conduisent à s'embourber dans un incompréhensible imbroglio spacio-temporel. C’est d’autant plus regrettable que le film pouvait très bien s’en passer.

Quitte à renouer avec les origines, il aurait été préférable de faire écho à l’audace progressiste et militante (même relative) dont Gene Roddenberry fit preuve lors de la création : équipage cosmopolite en pleine Guerre Froide, une des premières actrices Noires péniblement imposée dans un rôle principal qui sera même amenée à embrasser (sous hypnose, soit) le très pâle Capitaine Kirk : une première historique finalement bien peu réitérée depuis. Hélas, cette nouvelle mouture évacue toute velléité de ce type jusqu’à marcher parfois à contre sens : on peut coucher avec une femme verte mais l’actrice Noire sera réservée au "freak" et le commandement devient une capacité génétique. Triste signe des temps ou auteurs superficiels ? Les films précédents ayant déjà abandonné toute impertinence, il y avait là une belle occasion d'allier origines et modernité.

Au final, après un Mission Impossible III décent, J.J. Abram confirme sa capacité à maîtriser sans génie ni grande personnalité mais avec une efficacité certaine le grand écran après être devenu une star du petit (Lost, Alias). Si l’utilisation trop fréquente du très gros plan sur les visages à la manière des productions télévisées devient quelque peu indigeste en Cinémascope et si la bande originale consterne par sa pauvreté là où une moisson de thèmes forts et pérennes s’imposait, ce Star Trek nouveau est malgré tout une très agréable surprise. Les faiblesses de cet épisode de ré-introduction sont compensées par la nouveauté et l’irrésistible charme tonique que dégage le film. Mais dans la perspective d’un second épisode forcement moins axé sur la crédibilité de la filiation, espérons que les auteurs sauront faire preuve d’un peu plus d’imagination et d’audace, voire de cette profondeur censée caractériser la série. "…to boldly go where no man has gone before." Chiche ?

14 commentaires:

Anonyme a dit…

Et si le fait que ce film soit agréable "sans plus" était du justement à l'abandon des codes "fait à la maison" de Star Trek ? Trop parfait, trop léché, trop spatio-temporel quand deux mouvements de caméras suffisent à simuler le passage d'un(e) météorite.

Et puis notre héroïne de couleur a raison: Spock est le plus sexy de tous, même si à sa place je me méfierais de futurs syndrômes familiaux.

Jérôme.

Stobbart a dit…

c'est marrant, quand j'avais lu la critique de cloverfield, et le debut ce cet article, j'avais resumé ce que tu pensais d'abrams avant meme le dernier chapitre et c'est exactement ca.
Enfin, moi je pense qu'abrams est quand meme un gage de qualité, (certe, l'affectif lié à lost et alias joue) mais hormis le sentimentalisme exacerbé minable de cloverfield j'avais adoré l'ambiance et le sentiment d'impuissance que degageait celui ci.
Les films (et serie) d'abrams ont toujours une photo superbe, je trouve
Quand j'ai vu l'affiche dans la rue j'ai ris.
Parce que star trek deja, ca me semble à des années lumiere de ma generation (j'ai jamais reussi à accrocher à quoique ce soit de cette univers, bien qu'etant fan de SF) et en plus le depoussierage de vielle franchise est toujours un pari risqué (et souvent gaché)
la ou je suis daccord, c'est qu'il souffre la plus part du temps (abrams) du syndrome cheveux dans la soupe (meme si la soupe est bonne).

RobbyMovies a dit…

Cher Jérôme Anonyme,

"Trop parfait" est un concept qui n'a jamais fait grand sens à mes yeux. J'entends et je lis cette tarte à la crème depuis toujours dès qu'il s'agit d'actualiser une forme quelconque : "avant c'était mieux", c'était moins "parfait" (généralement "poésie" arrive très vite ensuite).

La "perfection" (l'est-elle seulement ?!)surtout visuelle serait forcement douteuse, néfaste même. Vieux réflexe d'inspiration nostalgique (ah le bon vieux temps) ? Légitimiste (les anciens avaient raison à jamais)? Voire vaguement puritaine vis-à-vis de l'abondance : avec moins on obtient mieux ?

Certes, on peut montrer une météorite avec 2 plans. Ou même un. On peut même juste filmer un carton avec écrit "ceci est une météorite qui passe". On peut même ne pas mettre de météorite du tout. Le plus simple étant de ne pas faire ce film-ci finalement.
Si la course au "toujours plus" n'est en rien un gage de réussite, le "toujours moins d'avant" non plus. Si le Star Trek télévisé hésitait à montrer une météorite, ce n'était pas dû à une profonde philosophie de la parcimonie mais juste parce que c'était compliqué et cher. Vu l'état d'esprit militant de Roddenberry, il aurait sans doute fait le même chantage auprès de la Paramount pour imposer Nichelle Nichols si il avait pu filmer plein de météorites. Quant aux versions ciné, le premier était bien davantage un record côté effets que ne l'est cette nouvelle mouture aujourd'hui. On n'a pas manqué d'ailleurs de lui reprocher à l'époque. Déjà.

Ici, ce n'est pas ce qu'il y a en plus côté forme qui peut créer une part d'insatisfaction mais au contraire ce qui manque sur le fond. Or ce ne sont pas les gens d'ILM qui ont écrit le script. Pour reprendre l' exemple cité, si Uhura se tape ou non Kirk, ce n'est pas lié au fait qu'il y ait 1, 2, ou 3 plans pour montrer une météorite. Même filmée façon Méliès, Uhura se taperait Spock et pas Kirk. Car c'est à la fois plus simple et sans doute plus grave : aujourd'hui comme hier, ce sont bien les auteurs qui sont en cause. Des gens qui ont écrit ça dans leur bureau avec leurs petits doigts ordinaires, osé ceci ou pas cela, et ce bien avant que l'on choisisse le nombre de météorites et leur aspect parfait ou non.

Un truc est réussi ou il ne l'est pas (avec évidemment tous les gradients entre les 2 et la subjectivité qui va avec). Si ça ne l'est pas, ce n'est pas "trop parfait", c'est juste pas bien. :D

Sinon, je crois que je n'ai jamais autant écrit le mot "météorite" de toute ma vie. Décidément, merci.

RobbyMovies a dit…

Et un Stobbart, un ! Youpi !

Concernant la qualité d'Abrams, j'estime que l'efficacité en est une et pas des moindres.
Par ailleurs, il faut tout de même faire la distinction entre ce qu'il a réalisé, écrit ou produit.
Sur les séries dont tu parles, si je ne m'abuse, il est créateur. Sur Cloverfield il n'est "que" producteur non scénariste ni réalisateur. Ici il réalise uniquement (et si j'étais méchant je dirais que côté écriture uniquement il est aussi l'auteur d'Armageddon ahem).
Bref, tout ça n'est pas équivalent et il est difficile pour moi à ce jour d'en tirer une conclusion globale par rapport à ce sur quoi son nom apparaît.
Cela dit, je trouve que son Mission Impossible 3 dont je redoutais le pire est nettement plus réussi et digne que son affligeant prédécesseur.
Donc, à suivre...

stobbart a dit…

Autant pour moi, je pensais qu'il avait realisé cloverfield. Par contre il a bien réalisé nombre d'episodes de lost.
Ce que je voulais dire, c'est que outre une qualité parfois discutable (j'avais aussi oublié armagedon haha), abrams fait partie pour moi de ces gens "boite à idée" du cinema/petit ecran.
C'est parfois certe maladroit, mais aussi souvent "frais" (dans un sens noble) . Cela dit, je parle la ni d'audace, ou de renouveau, il reste classique dans ses demarches.
Mais le potentiel est la, l'efficacité n'est plus à prouver, il suffit juste de s'affranchir de choses et d'autres (comme tu l'as bien dis dans l'article) afin de pouvoir trouver un equilibre qui n'entachera pas ses oeuvres.

Anonyme a dit…

Tu m'as parfaitement entendu quand je disais trop parfait, surtout quand je l'ai accompagné de trop léché, et que je me suis abstenu d'écrire: trop huilé, trop aseptisé, trop lisse, trop top modèle, trop star et pas assez trek, trop maquillé, etc. Tu m'as parfaitement entendu et tu es parfaitement conscient que l'imperfection fonctionne aussi, on va tout de même pas faire un cours d'esthétique. Tu dégaines le premier film, je dégaine le VI (ou le VII? Ah, on se fait vieux) qui avait le mérite de nous faire rire -Générations, ou, non, tout n'était pas à jeter.

C'est comme pour Beaubourg, j'aimais bien voir l'envers de la peau et Beaubourg nouvelle version me donne l'impression de lire Le Monde après avoir feuilleté Charlie Hebdo. Le Monde est plus au point sur l'actualité ? Oui d'une certaine façon, non d'une autre, et merde aussi.

Et ça aussi c'est politique non?
Ah mais.

Jérôme

RobbyMovies a dit…

Mais Jérôme, Star Trek a toujours été le summum du lisse, du léché, de l'aseptisé en particulier sur grand écran ! Je me rappelle d'une critique hilarante à l'époque du II sur le thème de "pendant ce temps-là, ils continuent de faire comme si Star Wars n'avait jamais existé" en pointant tout ce côté propret/impeccable/bien coiffé/moquetté/corseté/flambant neuf/cadré télé de tout ce qui apparaît à l'écran. Tiens dans le nouveau j'ai même été étonné de voir Kirk la tronche tuméfiée et croûteuse tellement on frise l’inédit organique.

Et je n'ai jamais dit non plus que tout était à jeter, par Vulcain ! La preuve je cite 2 des films. Et même que le VII (Generations) qui semble avoir ta faveur,je l'avais beaucoup aimé aussi au cinéma. Toc. Seulement l'an dernier j'ai eu la bonne (?) idée de tous les revoir et j'ai un peu déchanté. D'où une estimation peut-être plus globale, plus compacte, pas uniquement basée sur le souvenir.
Quant au I, je le citais pour évoquer le fait qu'en 79/80 certains lui reprochaient en partie ce que tu soulignes pour celui de cette année : le côté "trop..." , cette fois par rapport à la série (vu que c'était le premier film haha). Du coup moi aussi j'ai parfois la sensation de voyager dans une boucle temporelle (alors qu’en fait c'est juste parce que je suis vieux).

Le film est tout sauf parfait. Or pour moi ce sont bien ses "véritables" défauts (histoire brouillonne et confuse, manque de "profondeur » et d’audace…) qui en sont responsables, plus que des qualités qui seraient en fait des défauts. (Aspro est ton ami)

:D

Anonyme a dit…

Bon il est vrai que j'ai regardé Générations en lorgnant sur le genou de mon voisin dans une obscure salle de Montparnasse. Forcément, ça laisse des bons souvenirs.

Manque d'audace peut-être, mais l'histoire brouillonne ? Ah, me voilà à le défendre maintenant ! Bon eh bises quand même, on se mettra d'accord sur "les chansons d'amour" qui oui est une merde.

Y

RobbyMovies a dit…

Oui tu as raison "brouillonne" n'est pas le bon terme.
Mais je maintiens "confuse" comme toujours lorsqu'il s'agit de manier le paradoxe temporel (généralement intenable).

Quoiqu'il en soit, qui aurait pu dire qu'un jour nous allions nous livrer à une telle joute télématique à propos de Star Trek, hein, qui ? Je vous le demande. ::fou::

Anonyme a dit…

Ah ben confuse non plus tiens, c'est juste irrationnel, nous ne sommes pas non plus en train de parler des aventures de David Lynch dans l'espace. J'ai trouvé cela très simple mais c'est sûrement à force de côtoyer les constructions ô combien alambiquées des rayons verts et autre Rohmer en boîte. Et puis ce QI, ce QI... Avec moi, c'est Qui veut gagner des millions tous les jours.

Si ça peut te rassurer, j'ai été voir Star Trek également alléché par des critiques de Télérama et Libération. Ah, je savais que ça te plairait. Tu vois, c'est comme dans les vieux couples, chouchou et loulou, chacun dans son rôle et on n'en bougera pas. Na.

Oye, yé t'ennevoie tou lé soleil dé l'Espagne. ;-)

RobbyMovies a dit…

David Lynch ne fait pas des films qui sont nécessairement destinés à être compris. Star Trek, si.
Le paradoxe temporel est irrationnel, son exploitation est, elle, confuse.
Si tu étais en face de moi je te bombarderais de questions sur la justification d'un certain nombre de scènes ou de dialogues dont j'aimerais assez entendre la justification via ton QI vertigineux. Ensuite je te giflerais.

Quant à Rohmer, je ne vois pas bien ce que Pauline à la Plage, les Nuits de Pleine Lune ou autres Contes saisonniers ont d'alambiqués. Hormis les choix méticuleux et pervers des plus mauvais acteurs du territoire et de la réalisation la plus convenue possible dans la grande tradition du cinéma français bourgeois (oups pléonasme), le reste est à la portée d'un adolescent dès lors qu'il est capable de résister au sommeil.

Je réponds volontairement premier degré, il ne fallait pas être fat.

Anonyme a dit…

M'en fous, ici, suis protégé par la loi contre la violence de genre. Tu me baffes, j'te dénonce. Et puis si tu crois que je vais te laisser le dernier mot...

Anonyme a dit…

Bon je suis complètement d'accord avec cette chronique !
En tout cas les visuels du vaisseau méchant pas gentil sont somptueux.

Par contre l'intérieur de l'enterprise est POURRI ! je suis étonné que tu n'aies pas relevé cette abérration visuelle:
-la salle des moteurs fimée dans une usine sans aucun lien avec la structure du vaisseau ni l'esthitique hight tech SF. C'est une honte
-des problèmes MANIFESTES d'échelle entre cette salle et le volume du vaisseau lui-même. les réalisateurs ont même avoué que l'Enterprise avait 2 échelles : 300 et 900 mètres ! une page web présente très bien cette abération conceptuelle
-Enfin la salle de commande qui, outre un look absolument incompatible avec la salle des machines sus-citée, est absolument anti fonctionnelle jusqu'à l'abértation: des spots au plafond et pleins de reflets sur les écrans, un blans tapant hors sujet, un fauteuil du chef plus que raté, et deux postes où il faut se tenir debout... sans compter les classiques nurnies absolument risibles dans les panneaux transparants.
A l'opposé l'interieur du vaisseau du prologue (salle de commande et éclairage de la salle des machnines) est absolument parfait... dommage

Yann aka remain silent

RobbyMovies a dit…

Mouais j'avoue ne pas avoir été choqué ni enthousiasmé par les différents vaisseaux du film, Star Trek reste Star Trek, et imagerie ne m'a jamais trop trop convaincu,qu'il s'agisse de technique ou des créatures. Là c'est mieux, "actualisé" disons, mais sans plus.

En revanche j'ai été consterné par la musique, en particulier le thème des Méchants qui flirte dangereusement avec la musique de nos Fantomas nationaux (oui ceux avec De Funès). A ce titre la première apparition du vaisseau oursin est à 2 doigts du comique involontaire.