lundi 22 juin 2009

Dans la Brume Electrique

28 ans après son percutant Coup de Torchon adapté du romancier Jim Thompson, pape du polar US, l’américanophile Bertrand Tavernier se penche sur un autre de ses auteurs fétiches : James Lee Burke. Il abandonne cette fois le principe de la transposition qui voyait Coup de Torchon se dérouler en Afrique pour réaliser une adaptation géographiquement très pointilleuse. Nous sommes ici sur les lieux même de l'intrigue originale : New Iberia, Louisiane. Casting hollywoodien et équipe américaine au service d'une production française, Dans la Brume Electrique est un film hors normes dans la carrière du cinéaste. S’il réalise enfin l’un de ses rêves en tournant sa première fiction aux Etats-Unis, il peine à réitérer son exploit de 1981.

L'ambiance est donc celle de la poisseuse et pesante Louisiane éternellement gangrenée par les démons du racisme ordinaire et une pauvreté partout affleurante. C’est dans une mise en image sensible et intelligente que Bertrand Tavernier montre ici le meilleur de son talent. En évitant les clichés spectaculaires ou les effets à la mode pour miser sur une réalisation fluide et classique, il permet au spectateur de s’immerger dans ce cadre moite et figé dans son Histoire qui convient si bien au roman noir. Soutenue par une brillante bande originale signée Marco Beltrami et une très belle lumière de Bruno De Keyser, l’atmosphère de la Louisiane a rarement été aussi vivante à l’écran.

L’autre réussite du film est un personnage. Celui de Dave Robicheaux, flic, (ex) alcoolique et dépressif incarné par un Tommy Lee Jones remarquable de sobriété et justesse. Là aussi nous sont épargnés les clichés du flic looser et solitaire au profit d’un vibrant portrait nuancé et humain. Alternant les moments de détresse et les accès de violence, le quotidien du père de famille et les errances du flic hanté par le passé - au propre comme au figuré -, le film tout entier existe par son regard. Face à lui, le reste de la distribution fait office de figuration, y compris un John Goodman poussif et guère convaincant dans le registre du bad guy.

Mais ainsi concentré sur l’atmosphère et le personnage principal, Bertrand Tavernier semble surtout négliger l'intrigue. Ou plutôt, selon que l'on soit fan hardcore ou non du genre, on trouvera que cette histoire de tueur en série mâtinée de vieux crime raciste sur fond de mafia locale est un pur classique du polar américain ou bien une énième resucée qui ronronne du début à la fin. Tout y est désespérément prévisible, tant au niveau de "l’énigme" que des rebondissements. On relie entre eux les éléments de l'enquête bien avant le héros et ce en dépit même de quelques légèretés narratives. Y ajouter de vagues évocations politiques liées aux conséquences de l'ouragan Katrina n'y change rien : sans produire un véritable ennui, le film peine à captiver.

Bertrand Tavernier a su éviter bien des faiblesses de forme malgré les soucis rencontrés lors du tournage (Tommy Lee Jones retors, incompatibilité avec le monteur et l’un des producteurs, solitude du réalisateur expatrié, production onéreuse…). Mais une telle déficience du scénario est difficile à accepter dans le cadre d’un projet entièrement voulu et porté par le réalisateur avec le soutien de James Lee Burke à l’écriture. Ici point de vilain Grand Studio castrateur à incriminer. On pouvait dès lors s’attendre à une alchimie plus audacieuse et atypique entre un auteur prestigieux et un cinéaste qui avait si brillamment réussi Coup de Torchon grâce à une distribution puissante et homogène, une intrigue vénéneuse et une réalisation originale.
Par son extrême classicisme de forme et de fond légèrement parfumé à la naphtaline auquel s’ajoute une certaine vision de "l’Amérique éternelle", Dans la Brume Electrique devrait séduire avant tout les admirateurs du cinéma de Clint Eastwood. Malgré ses qualités, les autres se demanderont sans doute : "tout ça pour ça ?".

3 commentaires:

dasola a dit…

Bonjour robby, ce film m'a plu mais pas autant que je l'aurais voulu. J'ai surtout trouvé que tout allait trop vite. J'ai eu du mal à comprendre toute l'histoire. On ne s'attache pas assez aux personnages. Et personnellement, je ne le comparerais pas du tout à Coup de torchon. Bonne après-midi.

Erik Wietzel a dit…

Bon,maintenant "on" attend en trépignant une critique de "Coup de torchon" !

Alamissamoun a dit…

Un film décevant, comme tu l'as dis "tout ça pour ça"... En tout cas merci pour ton commentaire sur mon blog, je trouve le tien très bien fait et je t'ajoute dans mes favoris.

Alamissamoun