mercredi 23 juin 2010

Wolfman

S’il existe une malédiction plus cruelle que devenir une bête à chaque pleine lune, c’est bien celle d’être un loup-garou au cinéma. À chaque nouvelle tentative, la bestiole n’en finit plus de se prendre les pieds dans le tapis angora : fauché ou grand luxe, vintage ou dernier cri, le lycanthrope filmé est le royaume de la rouflaquette postiche, du bonnet hirsute, de la mandibule prognathe et du grognement préhistorique propulsant invariablement le comédien de service puis le film tout entier dans le comique involontaire.

Hormis l’épatant Hurlements de Joe Dante qui, seul, su relever brillamment le défi en imaginant la transformation intense et organique d’un monstre à la fois "réaliste" et effrayant, tous ses successeurs ont foiré le come back à des degrés divers : le loup façon grizzly du Loup-Garou de Londres et son interminable transformation proprette, La Compagnie des Loups et ses écorchés télescopiques, les masques de carnaval de Peur Bleue (non, pas celui avec les requins), Teen Wolf ou son avatar à oreilles de lapin du clip Thriller de Michael Jackson. Même le choix du maquillage léger et du propos de fond de Wolf par le très sérieux Mike Nichols n’épargne pas Jack Nicholson et James Spader lors d’un final poilant et bondissant, tout en "grrr" et coups de pattes. L’arrivée des effets numériques, loin de conjurer le sort, ajoute au contraire un supplément d’artifice : Le Loup Garou de Paris, Underworld, Twilight

Avec ce Wolfman, Universal tente un "retour aux sources" de ses propres classiques puisqu’il s’agit du remake de la version de 1941 qui fixa pour longtemps les règles du mythe (balles d'argent, pleine lune...). En s’offrant un budget confortable bien loin de la série B, un casting de stars et un scénario romantico-gothique, Wolfman a clairement l’ambition d’emprunter le même chemin que le flamboyant Dracula de Francis Ford Coppola qui ringardisa en un seul film 50 ans de vampires cinématographiques. Danny Elfman applique d'ailleurs la consigne avec zèle en plagiant consciencieusement l’un des thèmes principaux du dandy des Carpates.

Pourtant l’approche est séduisante et possède le mérite de nous offrir un sombre décorum victorien qui avait étrangement disparu de presque toutes les versions récentes. Mais comme souvent avec les "retours aux origines", il s’agit surtout d’un manque d’imagination et d’audace.
Car entre le réalisateur du Parrain et l’insipide Joe Johnston à qui est confié ce Wolfman nouveau, il y a un monde. Filmant sans aucune inspiration de jolis décors et costumes mille fois vus ailleurs, Johnston échoue à mettre en place la moindre tension, la plus petite émotion narrative ou esthétique. Les scènes se suivent et ne s’emboîtent pas toujours au mieux, déroulant mollement un long récit cousu de fil blanc.

Côté comédiens, la comparaison est tout aussi cuisante : Benitio del Toro n’est pas Gary Oldman. Incapable de transmettre une once d’énergie à son personnage, l’acteur semble avoir été victime de la mouche tsé-tsé plus que d’un quelconque carnivore énervé. Parcourant les décors tel un fantôme, il n’échappe pas toujours au comique avec sa curieuse coiffure anachronique et une diction qui prend tout son relief lors de l’introduction shakespearienne. Emily Blunt assure le minimum syndical de la belle de service, tandis qu’Hugo Weaving fait trois petits tours et puis s’en va. Seul Anthony Hopkins parvient à composer un véritable personnage, à la fois étrange et déplaisant.

Mais qu’en est-il de l’incontournable "morceau de bravoure" du genre, cette transformation à vue qui est au film de loup-garou ce que le duel est au western et les atermoiements sont à la comédie romantique ? Évidemment les effets numériques ont été convoqués et, si la métamorphose s’en tire plutôt mieux que les récentes tentatives du même type, l'on n’évite pas quelques transitions vaguement grotesques oscillant entre le chewing-gum et la créature gonflable. Pourtant le pire est encore à venir avec l’affrontement final des deux monstres. Car le prétexte du "retour aux sources" est aussi l’occasion de remettre en selle l’esthétique des années 40 : une idée aussi pauvre que saugrenue, pour ne pas dire suicidaire, qui autorise la reprise de la chapka touffue et du dentier de sanglier, du torse moquetté et de la grosse baffe griffue. Jusque-là faible et sans âme, le film est alors précipité d’un coup dans cette zone fantôme où moisissent ses prédécesseurs : le ridicule.

Une vraie malédiction je vous dis…

4 commentaires:

Thomas Grascoeur a dit…

Lol ! Pas très enthousiaste

RobbyMovies a dit…

Pas très non ^^

Anonyme a dit…

Le film n'est pas terrible, il faut bien le dire et la fin absolument ridicule. mais là où je m'insurge, c'est sur la transformation du Loup Garou de Londres. C'est pour moi et pour beaucoup la meilleure de toute, car la plus viscerale. Et sans numerique qui plus est !

RobbyMovies a dit…

Dans le registre "sans 3D", c'est sans doute la plus "perfectionnée" mais justement, trop sûrs d'eux, ils ont voulu la mettre en pleine lumière sur fond de zic à 2 balles et du coup je trouve celle d'Hurlements mille fois plus intense et "dans le film". Et puis il y a aussi 2 ou 3 étapes un peu limites quand il est allongé sur le dos avec son étole de fourrure ^^.
Non franchement, je reconnais l'exploit technique à l'époque, mais je la trouve trop proprette, je préfère nettement la morve et les chairs tremblotantes made in Rob Bottin :D Et surtout son loup garou final, fin et méchant plutôt que le yéti de Baker.

(ça c'est du commentaire vingt dieux... ^^)