Produit par Robert De Niro en 1996 et dirigé par Jerry Zacks, un inconnu issu de Broadway dont c’est là l’unique réalisation au cinéma, Marvin’s Room est l’adaptation d’une célèbre pièce de théâtre de Scott McPherson. Adapté par l’auteur juste avant sa mort en 1992, le film réunit une distribution qui claque : Meryl Streep, Diane Keaton, Leonardo DiCaprio et Robert De Niro qui, dans un rôle discret et plutôt inhabituel, résume à lui seul le ton général du film : à la fois émouvant, dramatique même, mais aussi souvent drôle, Marvin’s Room est une œuvre touchante qui, sous ses allures de mélo larmoyant, cache une véritable émotion plus discrète et généreuse. Est-il besoin de préciser que le titre français est parfaitement ridicule ?
Deux sœurs s’ignorent depuis 20 ans : la première est coiffeuse et galère avec ses deux enfants dont l’aîné souffre de troubles comportementaux ; la seconde a passé sa vie au chevet de son père invalide et sa tante un tantinet gâteuse. À la suite d’un grave problème de santé, toute la famille est contrainte à des retrouvailles forcées et houleuses. Bien sûr, sur le papier tout ceci peut sembler too much dans le registre de la boîte à mouchoirs. Avec la bonne vieille ficelle de l’épreuve qui rapproche les membres d’une famille et son parfum de rédemption, on s’attend à une avalanche d’étreintes et de nez qui coulent, passages presque obligés du mélo US. Pourtant le film évite la plupart des pièges du genre et surprend souvent.
Le fait que le scénario soit écrit par un auteur mourant écarte d’emblée toute suspicion de produit cyniquement conçu comme un tire larmes. Tout est ici abordé avec une simplicité et une pudeur qui forcent le respect. À ce titre, les échanges entre le médecin (De Niro) et la patiente (Diane Keaton) sont d’une touchante justesse et esquivent les excès de pathos par des éléments de comédie qui affleurent sans jamais s’imposer. Tout le film est d’ailleurs fort bien écrit : fluidité des dialogues qui font mouche, parfait équilibre entre les différentes tonalités qui permettent de passer d’une émotion à une autre en quelques instants, presque par surprise. Le regard tendre jeté sur les personnages, même les plus borderlines, n'est pas sans évoquer l'univers de Tennessee Williams, le désespoir en moins.
Bien sûr, c’est aussi brillamment interprété. Le duo Streep/Keaton, tout en complémentarité, illumine l’écran. En contre point, un DiCaprio intense laisse merveilleusement passer la vulnérabilité du personnage de Hank sous ses aspects agressifs et auto destructeurs. Tous les seconds rôles sont également excellents : Gwen Verdon incarne une émouvante Tante Ruth complètement à l’ouest, affublée d’un improbable système anti-douleurs électronique qui déclenche aussi la porte du garage ; Margo Martindale est une psy impeccable et même le petit Hal Scardino, sans presque aucun dialogue, est épatant en témoin lunaire. Et puis le tandem De Niro/Dan Hedaya, frères à l’écran, nous offre un savoureux moment de comédie. Quant au rôle titre - pour le moins ingrat -, il est tenu par Hume Cronyn dont c'est la dernière prestation sur grand écran.
Évidemment, l’exercice montre aussi ses limites : hésitant entre mélodrame assumé et une délicatesse se refusant aux excès, Marvin’Room peut décevoir des deux côtés. L’accumulation de "tuiles" peut faire parfois un peu déborder la coupe tandis que l’inévitable évocation du passé conflictuel manque sans doute un peu de densité. Qu’importe, car à l’image de sa conclusion abrupte qui nous laisse imaginer la suite sans rien en dire, le film de Jerry Zacks ne prétend pas être un chef d’œuvre ni donner une spectaculaire leçon de vie. Il s’attache à décrire au plus juste un moment de l’existence de personnages complexes et vulnérables, maladroits souvent, face à l’inéluctable : la mort des siens.
2 commentaires:
Pas vu, mais je vais remédier à ça !
Oui le film est passé plutôt inaperçu par chez nous, il fait partie du passage à vide de Meryl Streep. Ne serait-ce que pour les comédiens, c'est un film qui vaut qu'on s'y arrête 90 minutes... :)
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