lundi 12 octobre 2009

Without a Clue

Parmi la pléthore d’œuvres s'inspirant plus ou moins librement du mythe de Sherlock Holmes, Without a Clue occupe une place à part en réussissant l’exploit de rire du personnage sans verser jamais dans la parodie. Reconnu même par les holmesiens les plus susceptibles comme un véritable hommage à l'oeuvre de Sir Arthur Conan Doyle, le film parvient en effet à offrir une authentique aventure dans le plus pur esprit de l’auteur tout en commettant l’outrage suprême : faire du célébrissime détective un imposteur !

La folle idée de Thom Eberhardt et de ses scénaristes propulse en effet le Dr Watson au rang de seul génie du duo. Un duo qui n’existe même pas puisque c’est le bon docteur qui imagine le personnage de Holmes pour les récits qu’il publie régulièrement dans les pages du Strand Magazine. Mais rattrapé par le succès, Watson se voit contraint de donner chair au célèbre détective. Pris de court, il recrute un acteur raté, passablement obtus et prêt à tout pour une bonne bière. Ulcéré par l’attitude désinvolte et irresponsable du comédien auquel il souffle toutes ses prodigieuses déductions sans en retirer le moindre prestige, Watson finit par s’en débarrasser. Du moins le croit-il. Car face à l’hostilité du Strand qui ne veut pas d’un simple "Crime Doctor" enquêtant seul et surtout la nécessité de traiter une affaire d’Etat qui exige la présence exclusive de Holmes, le docteur se résigne, la mort dans l’âme, à reconstituer une dernière fois le couple de détectives…

Dès la première scène, le ton est donné : on passe en un instant du mythe dans toute sa splendeur à l’hilarant envers du décor où un Watson irascible et frustré terrorise un faux Holmes complètement largué. Outre un scénario truffé d’idées tordantes, le tandem d’acteur qui incarne le duo mythique est pour beaucoup dans la réussite du film. C’est un épatant Ben Kingsley à contre emploi comme l’on dit, qui interprète ce docteur Watson tonique, intelligent mais aussi un peu caractériel, tandis que Michael Caine compose un "Holmes" d’anthologie : acteur minable, alcoolique, couard, coureur de jupons et incapable de la déduction la plus élémentaire. Toute la distribution est d’ailleurs remarquable, de Jeffrey Jones en Lestrade bidonnant à Paul Freeman en Moriarty méphistophélique.

Avec ce sens de la rupture et du rythme essentiel dans le registre de la comédie, Thom Eberhardt utilise au mieux le talent de sa petite troupe et en premier lieu la complémentarité des deux formidables comédiens. Mais à l’image de l’astucieuse idée originale, il n’oublie jamais d’inscrire l'humour voire le burlesque dans l’intrigue même du film, sans user de ficelles paresseuses telles que les anachronismes ou clins d’œil au spectateur. Fan respectueux de l’univers holmésien, le cinéaste se permet même de coller au plus près de la vie de l’auteur : le désir de Watson de se débarrasser de Holmes fait écho à celui de Conan Doyle qui, par lassitude, fit mourir son héros avant de le ressusciter presque malgré lui, sous la pression du public et des éditeurs.

Ajoutez à cela la réjouissante musique signée Henry Mancini, la jolie frimousse de Lysette Anthony et la tronche de Nigel Davenport tout droit sortie de l’Angleterre victorienne et vous obtenez un cocktail détonnant et unique, une réussite totale rappelant les meilleures heures de la comédie made in Britain, du temps où la Ealing alignait les classiques tels que Tueurs de Dames et Noblesse Oblige. Jubilatoire.

4 commentaires:

Raphaël a dit…

Je n'ai pas vu cet Elémentaire mon cher... Lock Holmes qui m'a l'air réjouissant. Vous rappelez le studio Ealing, et c'est vrai que son humour est tout à fait jubilatoire... Votre article me donne envie de pousser plus loin ma curiosité. Merci.

RobbyMovies a dit…

Ah il faut le voir alors, en particulier si vous appréciez ce type de comédie. C'est moins grinçant que Tueur de Dames, mais c'est plus dense aussi.

Erik Wietzel a dit…

Je l'avais beaucoup aimé. Hélas, je ne m'en souviens guère... Dommage que le réal n'ait pas réédité ce petit exploit. Après un petit tour sur le web, j'ai appris un tas de choses intéressantes sur Lysette Anthony. Comme ses soucis avec la maréchaussée, quand elle oublie de payer sa place sur le parking où elle vient chercher son fils, lequel soufre d'une maladie bien pénible...Euh... Et le cinéma dans tout ça ? Sa bio (non officielle)commence ainsi : l'actrice la moins chanceuse de sa génération. Groumpf.

RobbyMovies a dit…

Faut admettre que la carrière de Lysette est... euh quelle carrière au fait ? :D