vendredi 24 juillet 2009

Le Jour où la Terre s'Arrêta

Oui bien sûr, il est convenu de se pincer le nez dès l'annonce du moindre remake, en particulier lorsqu'il s'agit d'un classique où la démarche vire alors carrément au sacrilège. Le film original signé Robert Wise appartenant au club - plus guère sélect - du film culte, cette nouvelle mouture souleva évidemment l'hostilité de principe des gardiens du temple dès son annonce. Pourtant que risquait-on ? Que le film soit meilleur et fasse pâlir à jamais l'original comme le fit John Carpenter avec The Thing cet autre classique de la S.F. datant de la même année ? Tant mieux ! Ou bien qu'il s'agisse d'un foirage qui rehausse encore le prestige de l'original ? Les adeptes du culte ne pourraient qu'en être satisfaits.

Je suis resté longtemps sur le souvenir ébahi de la version de 1951 très originale à une époque où les vilains extra-terrestres, symboles du perfide soviet, étaient de rigueur. Robert Wise proposait de mettre tout le monde face à ses responsabilités via l'arrivée d'un seul personnage à la fois menaçant et pacifique, puissant et faible. Accompagné de Gort, robot géant au pouvoir illimité qui devint l'icône du film, l'alien Klaatu délivrait un message en forme d'ultimatum : soit les humains cessaient d'être des créatures vindicatives et guerrières, soit ils étaient éliminés de l’univers. Message évidemment de circonstance en pleine Guerre Froide mais discutable par ailleurs : la formulation de Klaatu ressemblait un peu trop à l’injonction de l’Amérique impériale – "ressemblez-nous ou disparaissez" - pour n’être qu’un généreux message de paix.

À la faveur d'un visionnage plus récent, mon enthousiasme devint plus nuancé encore : tout cela était bel et bien, mais manquait terriblement de vie : une sympathique fable parfois simpliste, plutôt raide à la forme forcement datée. Bref, une nouvelle vision à la fois respectueuse et exigeante pouvait être prometteuse dès lors qu’on ne la confiait pas à n’importe qui. Malheureusement le choix paresseux de Scott Derrickson à la réalisation et David Scarpa au scénario révéla surtout un cruel manque d’ambition et de personnalité.

Car loin d’enrichir l’histoire, le tandem réussit l’exploit d’en souligner davantage encore les faiblesses et d’en appauvrir les aspects les plus intéressants : le gamin déjà peu crédible dans la version originale devient ici un insupportable moutard qui donnerait plutôt envie d’en finir au plus vite avec la race humaine. Au passage, cette version y perd gravement en maturité pour lorgner vers le public teenager.
Les allusions subtilement "christiques" de 1951 sont ici accentuées par une imagerie extra-terrestre pachydermique qui fleure bon l’apparition divine sulpicienne, jusqu’à l’arme de destruction punitive de Klaatu prenant la forme d'improbables nuées de criquets évoquant cette bonne vieille plaie d’Egypte. Une "trouvaille" qui permet même au titre du film de devenir hors sujet. Chapeau bas. L’autre idée lumineuse étant d’asperger le film de cette écologie désincarnée qui semble décidément être le seul sujet digne d’intérêt en lieu et place de la guerre ou autres souffrances humaines, comme si la Terre était devenue aujourd’hui un confortable havre de paix pour le plus grand nombre.

Côté personnages, Jennifer Connelly et Kathy Bates s’acquittent honorablement de leur rôle. Klaatu est lui interprété par un Keanu Reeves plus pâteux et inexpressif que jamais, illustrant cette vieille idée crétine et puritaine selon laquelle une civilisation plus avancée a forcement évacué les émotions et parle avec un balais enfoncé là où ça fait mal. Quant au célèbre Gort, il passe à la trappe pour n’apparaître que durant quelques plans fugitifs plutôt vilains et artificiels qui feraient presque regretter les genoux plissés de son caoutchouteux modèle.

Reste donc un carambolage de scènes plutôt mal écrites et platement réalisées, farcies d’effets sans aucune originalité. Cette version atteint donc involontairement l’un de ses objectifs : redonner du lustre au film de Robert Wise infiniment plus fin et maîtrisé que cette insipide gelée mystico-mélodramatique. Dommage, il y avait matière à une très belle relecture. Try again.

6 commentaires:

Erik Wietzel a dit…

Kathy Bates est décidément trop rare. Et si c'est pour la voir dans un naveton...

Scritch a dit…

Tiens c'est marrant, tu as les mêmes réserves que moi sur la morale du premier, qui a pris un goût pas terrible ces 8 dernières années ; et curieusement je n'ai pas l'impression de lire très souvent ces réserves dans les éloges que le film suscite par ailleurs à juste titre.

Raphaël a dit…

Bonjour,

je suis bien d'accord avec cette analyse (fort bien troussée, comme l'ensemble de votre blog que je découvre, article après article, suite à votre visite sur mon Film était presque parfait), et en dirait sûrement la même chose -mais sûrement en moins élégant. Ce remake m'a laissé vraiment froid, moi qui aime d'habitude sans compter les récit fantastique. Ici, ne reste que l'étiquette. Le principe du film, assez ahurissant, semble consister à cette allure pachydermique que vous décrivez bien et incite, espérons-le, à la vision de l'original, bien meilleur.

A bientôt, à n'en pas douter.

RobbyMovies a dit…

Bienvenue Raphaël et merci pour ces quelques mots encourageants :)

Je ne pouvais que laisser mon avis sur un blog qui parle du Secret de la Planète des Singes :D

A très bientôt, donc, ici ou là :)

Don Lo a dit…

D'accord sur pas mal de choses, sauf une ou deux.
D'abord, le jeu de Reeves m'a paru approprié au personnage, étranger dans un corps étranger dont il ne commande pas l'expressivité. Un pari gonflé pour un acteur qui se sait décrié sur ce plan, alors qu'il peut faire beaucoup mieux (je viens de le voir dans Pipa Lee, et on dirait Brando époque Tramway).
Ensuite, il y a un truc tout con, mais j'ai suivi le film avec plaisir, malgré tous mes a priori négatifs : c'est rapide, pas pesant dans le registre donneur de leçon (les défauts cités dans l'article y sont, mais tout juste effleurés dans un film qui fait à peine 1h30) et l'ensemble se regarde comme une bonne série B. Même le coup des nanocriquets paraît malin, traité en seulement trois ou quatre plans ravageurs mais sans insistance. Dernier point, la bande son m'a paru finement travaillée (notamment à l'arrivée de la sphère), ce qui signe au moins un bon facteur, sinon un auteur.

RobbyMovies a dit…

Oui je suis moins indulgent que toi c'est certain. On a tous nos limites concernant ce type de film. Cette légèreté type série B peut être charmante pour certains et pesantes pour d'autres. J'ai pour ma part cette indulgence pour des films tels que Stargate alors tu vois, nulle élitisme de ma part ;)
Disons qu'ici, ma déception vient d'un espoir de voir ce remake combler les lacunes de l'original pour finalement s'avérer pire. Comme une occasion perdue qui me tenait à coeur...