dimanche 4 octobre 2009

Phénomènes

Depuis son excellent 6eme Sens, M. Night Shyamalan a su définir une identité forte et originale dans l’univers très codifiée du cinéma fantastique américain. Grâce à des ambiances angoissantes, dépressives, un climat intimiste et adulte peu friand d’effets spectaculaires ou d’action hystérique, le cinéaste poursuit son exploration des grands thèmes du genre. Après les fantômes, les super-héros et les extra-terrestres, voici venu le temps du film catastrophe. Mais cette fois la formule peine à trouver ses marques.

Comme souvent avec M. Night Shyamalan, le film s’appuie sur une idée simple, un grain de sable qui grippe la mécanique bien huilée du quotidien. Il s’agit ici d’une vague de suicides qui se répand en quelques heures telle une maladie contagieuse, d’abord à New York puis dans tout l’Etat. Avec le talent qu’on lui connaît, le réalisateur parvient sans peine à donner à cet événement improbable toute la crédibilité et la densité nécessaire. A l'image de l'ouvrier anéanti par l'effroyable spectacle de ses collègues tombant comme des mouches, un malaise inhabituel s’empare du spectateur. Car Phénomènes décrit une catastrophe meurtrière où personne n’est agressé, poursuivi ou menacé d'un danger quelconque, réduisant ainsi les témoins à une impuissance horrifiée face ces innombrables suicidés sans motifs.
Du moins durant la première partie du film. Car en suivant le parcours d'un petit groupe de citadins fuyant le cauchemar, l’auteur s’embourbe dans des explications capillotractées qui nuisent à ce malaise initial en créant à tout prix un agresseur identifiable. Et quel agresseur !

::Spoiler on::

S'inscrivant dans l’air (haha) du temps, l’auteur nous assène une théorie scientifico-new age évidemment culpabilisante où les plantes se parlent et se défendent en diffusant une neurotoxine qui, grâce au vent, pousse les vilains humains pollueurs au suicide, en particulier lorsqu'ils se regroupent. Défense de rire.
Et M. Night Shyamalan ne se borne pas à balancer son idée discrètement entre deux répliques : il s’appesantit gravement, y revenant sans cesse jusqu’à l’épuisement. Du coup, ce qui pouvait passer pour une faiblesse d’écriture se révèle une assommante et ridicule leçon de morale. Morale qui, ajoutée à celle plus traditionnelle de la célébration de la famille et de la procréation vaguement rédemptrice, devient franchement indigeste. C’est d’autant plus regrettable que lorsqu'il oublie ses thèses fumeuses, le cinéaste parvient à créer ces ambiances sombres et pesantes dont il a le secret, ponctuées de bons moments de suspens et d’épouvante. L’exode du petit groupe principal ou la rencontre avec la vieille femme solitaire en sont les meilleurs exemples.

Phénomènes fut un projet bien difficile à concrétiser pour un cinéaste en perte de vitesse qui dut revoir maintes fois sa copie pour convaincre les producteurs. Ceci expliquant peut-être les déséquilibres d’un film qui hésite entre plusieurs identités, plusieurs styles tant côté écriture que réalisation. Une sensation renforcée par une juxtaposition de scènes pas toujours fluide, des personnages mal définis et pas très bien interprétés. Mais le script originel s’intitulant The Green Project et les éléments horrifiques ayant été voulus par la production, on peut se demander si l’on n’a pas échappé au pire.

Alors, inquiétant thriller fantastique sur fond de fable écolo ou purge moralisante de la part d’un cinéaste à bout de souffle ? Les 2 mon capitaine ! Heureusement le film est court et son rythme soutenu permet malgré tout de ne jamais s'ennuyer.

4 commentaires:

Raphaël a dit…

Opus bien faible pour ma part, dont vous pointez bien la principale tare : ces phénomènes doivent leur existence à une explication ma foi moralisatrice au possible. De beaux moments toutefois, notamment la rencontre avec la vieille femme dans la dernière partie.

A bientôt

RobbyMovies a dit…

C'est vrai et elle semble du coup presque en décalage avec le reste, comme si elle faisait partie d'un autre film.

Benoît a dit…

Bonsoir, merci pour votre commentaire sur mon blog, j'en profite pour vous rajouter dans mes favoris. Sinon, Phénomènes est mon Shy préféré et je ne l'ai pas trouvé si moralisateur. Mais plus comme une mise en garde. Et puis, peut-on en vouloir à Shyamalan de surfer sur la vague écolo comme tout le monde à l'heure actuelle ?

Bastien a dit…

Je dois encore le voir, mais je n'augure rien de bon pour ce cinéaste qui, selon moi, s'affirme de plus en plus d'un point de vue formel mais s'appauvrit en matière de scénar...