dimanche 10 août 2008

Je suis une Légende

Si le choix du réalisateur de l'estimable et dépressif Constantine était une idée judicieuse pour porter à l'écran cette troisième version du roman apocalyptique de Richard Matheson, la présence de Will Smith dans le rôle-titre pouvait inspirer bien des appréhensions après une filmo très frime où l'acteur y fait essentiellement la promotion de lui-même et éventuellement de quelques sponsors. I, Robots était le parfait exemple d'un possible bon film d'anticipation totalement pilonné par la star qui n'en finissait plus de s'autocélébrer.

Heureusement, on évite ici le pire malgré l'incontournable séance de gym où Mr Smith nous gratifie à nouveau de son physique avantageux, ou un petit numéro "comique" autour du film Shrek. Mais heureusement l'essentiel est préservé : Will Smith incarne son Robert Neville avec une grande conviction et un vrai souci d'humanité en introduisant des moments de faiblesse, voire de folie qui rendent le personnage vivant, crédible et souvent émouvant. Performance d'autant plus remarquable que l'acteur est présent dans toutes les scènes et le plus souvent seul.

La première heure du film nous montre le quotidien du dernier survivant d'une humanité décimée trois ans plus tôt par un redoutable virus génétiquement modifié afin d'en faire un remède au cancer et contre lequel le héros est mystérieusement immunisé. Le prologue et quelques habiles flashbacks permettent de situer rapidement l'action tout en ponctuant de respirations opportunes un film par nature très linéaire. On y apprend notamment que Robert Neville est aussi un soldat et un scientifique qui travaillait sur le virus au moment de la catastrophe. Certes, le cumul avec le fait d'être immunisé défie toutes probabilités mais la pilule passe malgré tout grâce au talent du réalisateur, même si le laboratoire situé dans la cave du héros semble un peu trop simple par rapport au niveau de recherches effectuées.

Le second personnage du film est le décor lui-même, un étonnant et spectaculaire New York abandonné, grignoté inexorablement par la nature, parcouru d'animaux sauvages et baignant dans une atmosphère presque tropicale où seul le bruissement de millions d'insectes perturbe un silence qui règne désormais en maître dans la cité fantôme. Du moins le jour.
Car lorsque la nuit tombe, Robert Neville doit se barricader pour échapper aux hordes d'infectés fous et cannibales qui hantent les immeubles durant la journée afin d'échapper à la lumière qui leur est fatale.
L'idée selon laquelle on peut être tout à la fois désespérément seul et assiégé par une multitude de créatures invisibles et meurtrières est terrifiante. Une atmosphère pesante parfaitement rendue par une réalisation fluide et très soignée qui alterne les scènes spectaculaires, intimistes et même effrayantes comme durant la cauchemardesque première confrontation avec les infectés. A noter la très bonne utilisation ponctuelle de la caméra à l'épaule, non pas sous forme de gimmick ostentatoire mais bien pour optimiser l'intention du réalisateur à un moment précis.
Une première partie qui réussi donc pleinement cette nouvelle lecture du roman culte de Richard Matheson.

On regrettera cependant l'apparence des infectés et leur traitement entièrement numérique qui nuit beaucoup à leur crédibilité, une erreur que le réalisateur avait déjà commise dans Constantine. Assez mal conçus par Patrick Tatopoulos, ils sont aussi mal réalisés techniquement au point de cumuler tous les défauts de ce type d'effet : aspect "chewing gum", manque d'inertie, mouvements artificiels flirtant parfois avec le comique involontaire. On y voit une volonté de se démarquer des excellents 28 jours plus tard ou l'Armée des Morts qui exploraient le même thème, mais il était possible de le faire de façon beaucoup plus intéressante en suivant simplement l'idée développée par Richard Matheson lui-même.

En effet, là où les zombies/infectés sont généralement réduits à l'état de créatures hystériques décervelées bouffant leurs victimes, le roman décrivait la naissance d'une communication entre le héros immunisé et une population mutante qui prenait conscience d'elle-même et de sa place dans ce nouveau monde. Or Francis Lawrence et ses auteurs ont choisi d'éliminer cet aspect pour se contenter d'une énième version de la horde de monstres sautant sur tout ce qui bouge. Une véritable occasion gâchée et un manque d'ambition d'autant plus regrettable que ce qui a été imaginé en remplacement durant la dernière demi-heure tient du sabotage pur et simple. Il ne s'agit pas là de faire l'inventaire assez vain des ressemblances/trahisons par rapport au roman, mais bien de déplorer que ladite "trahison" ait pris cette tournure-ci en catalysant bon nombre des travers les plus pesants et prévisibles du cinéma hollywoodien.

::spoiler on::

Le sauvetage totalement invraisemblable du héros suicidaire par une super mère de famille immunisée et son jeune garçon altérait déjà le climat installé précédemment. Mais lorsque ce nouveau personnage donne lieu à d'insupportables dialogues mystiques sur le thème du "plan divin", on a envie de hurler. On flirte là avec de fumeuses et nauséabondes théories qui ne sont pas sans en rappeler d'autres, bien réelles celles-là, au moment de l'apparition du SIDA. Bêtise crasse, idéologie répugnante ou simple mauvais goût, le résultat est là.
Bien sûr, le héros ose malgré tout contester cette approche en proférant même un "il n'y a aucun dieu" qui lui sera évidemment fatal. Car le cinéma populaire américain déroge rarement au principe selon lequel un personnage qui ne croit plus ou pas le paiera très cher ou changera d'avis. Le final désastreux parvient à cumuler les deux aspects pour son héros, comme s'il fallait trouver une raison acceptable pour le faire mourir.

::spoiler off::

Jetons un voile pudique sur un épilogue dans le même esprit qui anéantit presque tout le concept jusqu'à rendre le titre inadapté, un comble. Notons au passage que cette fin louche également vers un autre roman traitant d’un thème identique, Le Fléau de Stephen King.

On retiendra donc de cette nouvelle version inégale une première heure (presque à la seconde près !) forte, passionnante et très bien construite par un Francis Lawrence doué qui sait ménager ses effets grâce à une mise en scène riche et énergique sans être tape à l’œil, soutenu par un Will Smith qui peut être excellent lorsqu’il fait l’effort d’oublier qui il est. D'autant que l'on frémit en pensant à ce qu'aurait pu être le film avec Arnold Schwarzenegger longtemps pressenti dans le rôle principal ou Michael Bay derrière la caméra, même si on lui doit l'arrivée de Will Smith sur le projet.

1 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y a tout de même un point positif dans ce film.

Si les mutés étaient intelligents, le dernier homme ne serait pas resté en vie très longtemps, comme le montre d'ailleurs le film.
Dans le roman, la persécution chaque nuit est en fait peu crédible.

Ceci dit, il est vrai que le titre perd toute sa saveur dans ce film. Mais un film hollywoodien ne peu pas terminer mal voyons...